Bien qu’elle sauve souvent des vies, la transfusion sanguine peut parfois entraîner des effets secondaires non négligeables. Le Patient Blood Management (PBM) pourrait avoir deux avantages :
- Faire évoluer la prise en charge du patient
- Assurer une diminution des achats de produits sanguins.
La « Gestion personnalisée du capital sanguin »
Le Patient Blood Management (PBM) peut se traduire par « gestion personnalisée du capital sanguin ». Il s’agit d’une approche thérapeutique centrée sur le patient. Elle part de preuves scientifiques, multidisciplinaire, pour optimiser la qualité de la prise en charge de chaque patient chirurgical potentiellement transfusé.
Cette approche permet de réduire au minimum l’impact de l’anémie pré-opératoire. Elle contribue aussi à :
- L’élaboration de politiques de transfusion restrictives, compte tenu des effets de la transfusion sur la morbi-mortalité
- La recherche d’alternatives à la transfusion, par exemple le fer.
Beaucoup recommandent le PBM :
- L’Organisation Mondiale de la Santé
- Les agences de régulation sanitaire de nombreux pays
- Les sociétés savantes internationales concernées
- La Commission européenne.
Les expériences des programmes PBM à travers le monde montrent que leur déploiement est réalisable et améliore la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins. Ainsi, la transfusion doit désormais être un recours de deuxième intention.
Au vu des risques de la transfusion sanguine, il apparaît nécessaired’en limiter le recours. Cela, non seulement sur le plan sanitaire mais aussi socio-économique. Il faut bien sûr aussi garantir une qualité et une sécurité des soins optimales aux patients devant subir une chirurgie. C’est tout l’objectif du Patient Blood Management (PBM). Ce concept doit également, en conséquence, générer des économies par la diminution des achats de produits sanguins.
Un comité d’experts représentatif de sept sociétés savantes travaille sur le sujet. Leu but est demieux appréhender cette démarche et d’identifier les solutions à mettre en place pour accompagner son implémentation en France. Leurs préconisations sont disponibles dans un livre blanc, sorti le 13 décembre 2018. C’était à l’occasion de la journée « Gestion personnalisée du capital sanguin en péri-opératoire », à l’Académie de Médecine.
Éviter au maximum le recours à la transfusion
Ce concept de PBM place le patient, et non les paramètres biologiques et les produits sanguins, au centre du processus de décision dans une démarche de prévention primaire des risques liés à l’anémie, au saignement et à la transfusion », expliquent les experts. Il s’agit d’une stratégie intégrée, multimodale et multidisciplinaire, voire pluriprofessionnelle, méthodique et proactive, fondée sur des concepts scientifiquement validés.
La rationalisation de la transfusion sanguine passe tout d’abord par la nécessité d’améliorer la prise en charge des patients devant subir une intervention à risque comme une chirurgie cardiaque, orthopédique, abdominale, urologique, etc. ; et en particulier, de considérer la transfusion comme un « recours ultime et non plus comme le traitement privilégié par défaut», considèrent les experts.
Le PBM repose sur 3 piliers : avant, pendant et après l’opération chirurgicale, il faut :
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- « Optimiser la masse sanguine du patient » (en dépistant une éventuelle anémie et en la corrigeant)
- « Optimiser la masse sanguine du patient » (en dépistant une éventuelle anémie et en la corrigeant)
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- « Minimiser les pertes sanguines » (en réinjectant son propre sang au patient durant l’opération, en lui donnant des médicaments à même de réduire les saignements)
- « Minimiser les pertes sanguines » (en réinjectant son propre sang au patient durant l’opération, en lui donnant des médicaments à même de réduire les saignements)
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- « Optimiser la tolérance à l’anémie » (notamment en prenant en compte les caractéristiques personnelles du patient, plutôt que de décider de transfuser selon des seuils standardisés de concentration d’hémoglobine)
Le PBM a des avantages multiples et induit notamment une diminution des taux de morbidité postopératoire, voire de mortalité peropératoire ou hospitalière.
Quelles sont les méthodes alternatives à la transfusion ? On peut citer les prescriptions d’agents stimulant l’érythropoïèse, ou la récupération de sang autologue. Elles permettent une diminution des :
- Seuils transfusionnels
- Pertes sanguines peropératoires
- Taux de transfusions massives
- Proportions de patients transfusés
- Nombres de concentrés de globules rouges ou d’unités de produits sanguins labiles transfusés par patient
- Proportions de patients sortant de l’hôpital avec une anémie modérée à sévère.
Une stratégie qui a déjà fait ses preuves
La stratégie PBM existe dans de nombreux pays, et avec des résultats concrets. Ainsi, par exemple, en Australie, une publication de février 2017 dans la revue «Transfusion», s’intéresse à quelque 600 000 patients dans quatre centres hospitaliers appliquant le PBM. Entre 2008 et 2014, le nombre d’unités de produits sanguins transfusés a diminué de 41 %. Quels en sont les résultats ?
- Une économie de 18 millions de dollars américains en coûts directs et de 78 à 97 millions en coûts indirects
- Une diminution de 28 % du risque relatif de mortalité hospitalière, de 15 % de la durée moyenne de séjour, et de 21 % du risque d’infection postopératoire.
- Une augmentation significative cependant, mais limitée, du taux de réadmissions urgentes non programmées (+ 6 %).
Désormais, ces programmes existent sur tout le territoire australien.
La situation française
En France, peu de données sont disponibles. Une étude menée auprès de 367 patients admis en chirurgie orthopédique au CHU d’Angers (publiée en janvier 2016 dans « Transfusion ») montre, qu’entre 2012 et 2016, la dépense annuelle en produits sanguins aurait diminué de 196 000 Euros au sein du pôle anesthésie-réanimation appliquant le PBM, quand elle aurait augmenté de 110 000 Euros dans l’ensemble de l’hôpital. Le Pr Pascal Paubel, chef du service évaluations pharmaceutiques à l’AP-HP, a pour sa part chiffré à 200 millions d’Euros le gain annuel potentiel pour l’assurance maladie, porté principalement par la baisse de la durée moyenne de séjour et la diminution du nombre de patients transfusés.
Notre pays accuse actuellement un retard à la mise en place de cette démarche, comme en témoigne par exemple la stagnation des taux standardisés de transfusion à l’échelle nationale (36,6 concentrés de globules rouges pour 1 000 habitants en 2010 et 36,2 pour 1000 en 2015). L’examen du patient anémié un mois et non deux jours avant l’opération chirurgicale n’est peut-être pas systématique et pourtant cela permet de lui apporter, si nécessaire, un supplément de fer dans les trente jours avant l’opération. Ainsi le patient pourra avoir un taux d’hémoglobine correct à l’issue de l’acte chirurgical.
Selon Xavier Capdevila, Président de la SFAR, « environ 3 millions de chirurgies pourraient chaque année bénéficier du PBM ». Mais mettre en place de tels programmes, admet-il, demande « du temps médical et paramédical. Tout ce que l’on n’a pas actuellement ».